La clôture de fortune fut brisée et avec elle s'en allait une brebis. Sarel était en train de faire son exercice quotidien de danse quand elle fut interrompue par les gérémiades d'une jeune skalde en peine. Levant les yeux au ciel avec un soupir elle accepta de réparer la barrière avec Naomira, une skalde expérimentée dans les cordages. Cela tombait bien, car il en faudrait pour remettre en forme cette barrière. Ce n'est pas comme si le métal était une denrée rare, mais suffisamment précieuse pour ne pas faire des clous à tout bout de champ.

La gamine s'était en allée à toute vitesse dans le campement et on la perdit de vue. Plutôt occupée à regarder les jolies hanches de Naomira plutôt que de vraiment réparer la barrière, Sarel sentait qu'il y avait quelque chose d'étrange dans l'air. Et à vrai dire, elle ne croyait pas si bien penser. Une fois la barrière réparée, un werarn était venu les questionner au sujet de la jeune skalde. Quand l'avaient-elles vue pour la dernière fois ? Elle n'était pas au campement ?
Des yeux s’interrogeaient jusqu'à ce que miss Lardossan brise le silence :

- Bon ... J'imagine qu'elle n'a avertis personne et se ballade seule dans la nature avec la brebis ? ... On n'en avait pas assez d'une tiens ... "

Sans se presser Mange-mort parti chercher son équipement en adressant une main en l'air nonchalante accompagné d'un J'y vais, j'y vais ... le tout dans un soupir de lassitude. Après tout il ne s'agit pas de chasse mais bien de ramener un skalde au bercail, cela entrait dans ses directives, elle ne brisait aucun serment ou aucune restriction e allant la chercher. Elle ne devait pas être bien loin, une brebis perdue ne sortait jamais loin de son enclos, mais elle pouvait se perdre c'était certain. Et une proie perdue était toujours de la viande gratuite pour quelque prédateurs en veine. Oh ? La jeune Skalde ? Oui bien sûr, il fallait aller la chercher également, mais comptez bien que si on trouve la brebis on la trouverait elle aussi... Du moins en théorie.
Si Sarel devait se retrouver à chercher deux pistes en même temps elle en toucherait un mot aux Atmâs qui l'accompagneront.

Le masque sur la tête et la lance en main Sarel avançait à petite allure, cherchant les quelques indices. Elle prit à certain temps à reconnaître les traces mais il y en a une qu'elle n'oublierait jamais. Un amegadon était sur leurs traces. Mange-mort se raidit à la vue des traces de pas et commençait à craindre pour la vie de la jeune skalde partie sans prévenir.
Son pas se pressa et son souffle finit par devenir haletant. Le pire dans ce genre de situation c'est que votre manque de sang froid vous fait perdre du temps car vous manquez des détails qui ne vous manqueraient pas dans un état plus serein.

La coyote arriva à point nommé, une flèche prit son envol et rata sa cible de peu, énervant le fauve qui s'élança vers l'archère. Proférant quelques insultes au vent Sarel couru et s'élança pour choper la taille de la brunette. Son ordre des priorités fut telle qu'elle avait complètement ignoré la brebis, c'est à peine si elle avait remarqué sa présence.

Dans un roulé boulé Sarel se redressa aussitôt, jambes fléchies et la lance en avant. Elle jeta un regard sur le côté avec un rictus d'énervement :

- Tu veux mourir ?"

Il est vrai que la dernière fois que Sarel ait tenté de sauver quelqu'un d'un Amegadon, cela lui avait valu son surnom et sa restriction. Elle ne comptait pas risquer l'exil pour une effrontée, mais elle n'allait certainement pas laisser une skalde prometteuse se laisser tuer bêtement pour une brebis perdue.
La coyote avait en haine quasi pure les Amegadons depuis ce jour. C'en était devenue sa viande préférée tant sa rancune lui donnait cœur à l'ouvrage.

Sarel eut un petit sourire narquois. L'intention de la jeune Skalde était louable malgré la situation, sa tentative d'excuses était touchante bien que peu convaincante aux yeux de Mange-mort. En faisant un pas de côté elle pu se mettre vers le flanc de l'animal, occupé à rater son coup face à une esquive qui ne manquait pas de souplesse. L'archère rétorqua à son excuse son besoin d'aide, Sarel n'en doutait pas et elle ne comptait pas demander son avis pour le faire, mais l'acceptation de sa coéquipière serait certainement bien plus pratique.

Sarel allait s'élancer lance levée vers l'épaule de la créature quand elle vit une flèche se ficher au même endroit. La bête en recula de douleur et la coyote lui envoya ses compliments :

- Joli coup !

Dansant furtivement sur le côté jusqu'à rejoindre la position de sa camarade Sarel fixait la bête qui était en train de réfléchir à deux fois. Une flèche dans l'épaule ça énerve, mais la perspective d'une deuxième ne lui plaisait guerre. Maintenant sur la défensive la bête oscillait son regard sur les deux Skaldes.
Sarel en oubliait presque les raisons de leurs querelles, omettant la brebis, elle se risqua à faire un pas en avant comme pour marquer l'espace qui les séparaient et le dissuader de revenir.

Pour se donner du courage elle lui lança :

- J'me taillerai une bavette sur tes côtes !

Si vous faites partis de ces Skaldes qui pensent que les bêtes comprennent plus ou moins ce que vous dites, vous pourrez en déduire que cela n'avait pas plu à notre "ami" l'amegadon. Un filet de sang lui parcourait déjà la patte et pour réponse il sortit un grognement mal léché. Si en revanche vous faites partis de ces Skaldes qui pensent que les bêtes ont un autre langage et que celui utilisé par les êtres humains leur est abscons alors Mange-mort est une idiote apeurée.
D'autant plus qu'une bavette ne se situe pas sur les côtes, mais passons là les "menus" détails.

L'amegadon boîtait légèrement mais ne semblait plus vouloir de conflit. Cela étant Sarel ne baissa pas sa garde, et elle ne comptait pas le faire tant qu'elle verrait l'Amegadon dans son champ de vision. La Skalde était passé d'agacée à tendue. Elle était vraiment mal à l'aise en présence d'Amegadons.

Des petits bruits de sabots se firent entendre, sa joue s'orienta en direction de leurs provenance sans quitter des yeux la créature.

Il y a deux choses que refuse de faire un prédateur. La première, laisser passer une viande gratuite. La deuxième, ne pas assurer sa place d'alpha. Concernant la première chose, sa viande devenait de plus en plus chère jusqu'à ce que la brebis se décide à quitter la scène. La seconde chose importait mais ne prévalait pas sur la première, la survie avant tout. Si les Skaldes avaient un point commun avec les bêtes c'était bien celui là.

Sarel lança un regard à sa jeune partenaire qui commençait doucement à enrager. Cette brebis semblait guidée par un Atmâ facétieux dont le seul but était de les faire tourner en bourrique. La coyote en venait à penser si un autre ne guidait pas l'Amegadon, ou si on lui jouait un tour et que tout ceci n'était qu'une mauvaise farce. Mais bien entendu, il s'agit de la réalité et ses pensées ne furent qu'éphémères à la vue de la distance qui les séparait de leurs cibles. Plus dangereux encore, la brebis se dirigeait vers le village AVEC l'amegadon. Si l'on voulait éviter un drame il fallait agir maintenant.

" Non-non-non-non-non-non-NON !"

Ignorant sa partenaire, Sarel suivit au pas de course la brebis et l'amegadon. Malheureusement la nature ne l'avait pas doté de membres aussi puissants que l'amegadon. Même blessé celui ci s'approchait trop vite de la brebis et du village et elle ne pourrait bientôt plus l'atteindre.

Elle vit des flèches voler faire leur cible et pendant un instant Sarel cru qu'on cherchait à la viser, mais la vérité est que sa trajectoire était dangereuse et en plein milieu de la ligne de mire de la Skalde. Si elle n'avait pas été maudite par cette dernière elle se serait sûrement davantage si les bêtes atteignaient le village.
Mange-mort tenta alors un baroud d'honneur, sa lance en main elle fit trois longs sauts afin de donner à sa lance le plus de propulsion possible puis l'envoya vers l'amegadon.